Espoirs d'un Soir - PV

CAPUCCINA CREAM

Les Terres Fury s'arrêtaient là, sur cette ligne invisible qui les délimitaient des Terres Escape. Ces terres qui étaient censées être celles de mon clan, celui que j'ai intégré sans trop savoir comment. Elles se terminent donc ici, au creux de cet immense canyon. Un peu plus en contre-bas se dessine une colline verdoyante et pas moins alléchante. L'herbe se courbe sous le vent léger et ne cesse de danser. Un sourire paisible se loge sur mes lèvres et je laisse mon regard glisser sur ce paysage. Etrange contraste. J'envoie valser un caillou d'un coup de sabot et le suivit un instant des yeux tandis qu'il dévalait la pente à une vitesse folle. Les derniers rayons de cette journée ensoleillée glissèrent sur ma robe ébène qui se colorait alors de chaudes teintes orangées et rougeoyantes. La nuit ne tarderait à tomber. Je su qu'il était alors temps de descendre de ce petit piédestal sur lequel je me trouvais.

Avançant d'un pas silencieux et furtif bien que parfois accentué d'un roulement caillouteux sous mes sabots, je me mouvais dans la pénombre naissante avec facilité. Attentif à ce qui m'entourait, je songeais alors à cette chose qui me pourissais l'existence et je devinais qu'il ne me restait peu de temps avant de resentir ce besoin que j'avais quotidiennement. Malheureusement, les environs semblaient inhabités, comme si tous avaient été prévenus de ma venue, comme si ils savaient ce qu'elle annonçait. Un soupire s'échappa de mes naseaux et je franchissais la frontière invisible.

Mais il n'irait pas plus loin.

Surgie de nulle part, de façon autant improbable qu'innatendue, la silhouette de la petite grise répondant au nom de Cappuccina Cream fit une soudaine irruption parmi le paysage serein et pur. Sa venue troubla le silence, le chant des cigales et le murmure du vent dans les hautes herbes, comme si, bizarrement, sa propre présence faisait taire et imposer le respect.
L'encolure humide, couverte d'écume, elle eut tôt fait d'entraver la route que poursuivait depuis peu l'étalon noir aux reflets argent. Il était inconcevable qu'il aille plus loin.. car plus loin, il courrait à sa perte.

" Ils arrivent.. " murmura t-elle d'un ton ferme & sans réplique aucune. Et, comme pour insister sur ses mots, elle plongea son regard transperçant dans les prunelles de l'inconnu, les sillonna de part en part, découvrit mille & une étincelles chatoyantes avant d'en émerger, sans s'arracher de la moindre émotion.
Ce bref intermède dans le temps fut, au delà des apparences, très court. La demoiselle avait eu le temps d'arriver, de prononcer quelques mots que déjà, elle pivotait sur elle-même et mettait les voiles vers le canyon qu'avait à l'instant quitté l'étalon. N'étant pourtant pas une de celles qui adoraient jouer avec les mots & faire des devinettes, elle eut la délicatesse de regarder par dessus son épaule, puis de dire :

" .. des bisons. Un immense troupeau effrayé. "
Et tout le monde savait que lorsque ces bêtes étaient lancés aux quatre vents, rien ne pouvait plus les arrêter.

Tu fus comme un ange tombé du ciel.

Tu interrompis soudainement mon pas allant que rien n'aurait pu arrêter. C'est du moins ce que je croyais car dès que tu entravas ma route, je m'immobilisais aussitôt. Pinçant mes naseaux d'un reflexe rapide, je croisais ton regard et cherchait à savoir les raisons de cette arrestation. Qui arrivaient ? Je n'eus pas le temps de poser la question, tu t'éloignais déjà de moi avec célérité. Je te suivais du regard, incertain de savoir ce que tu voulais de moi, et j'avoue ne pas savoir très bien de quoi il sagissait. N'aurais-tu pas quelques mots pour éclairer ma lanterne ? Aussitôt, tu m'annonçais les bisons et je m'engageais à ta suite, ne sachant où tu me menais. J'eus pourtant la courtoisie de te laisser diriger les opérations mettant ma part de macho de côté pour les quelques minutes où tu mènerais la danse, la fuite plus exactement. " Ravi que vous ayez pensé à moi. " Dis-je alors, dévoilant ma voix rocailleuse et étrangement froide alors qu'elle n'avait pas lieu d'être. Je cherchais ton regard et ne le trouvant pas, je m'attardais sur l'horizon, mes traits de marbre se gardant bien de trahir toute émotion.

Un roulement sourd prit soudain possession du silence et je sus ce qu'il en retournait. Sous nos pas, le sol meuble tressautait par moment. Saches Princesse, que je n'ai aucune envie de terminer écrasé. " Il faut se mettre sur les hauteurs du Canyon. " Te soufflais-je alors, oubliant que j'étais censé te laisser guider les opérations. Tanpis, au moins, nous serons sur la même longueurs d'ondes. Je prends un galop souple, ne cherchant nullement à te dépasser et jette un coup d'oeil en arrière, histoire de savoir à quoi s'en tenir.